Jacqueline Oyex
Commentaires de presse
L’ensemble est extraordinaire, constituant une hallucinante galerie de portraits. Masques tragiques et dérisoires, épaules ployant sous le poids de toute la misère et toute la lassitude humaines, yeux exorbités comme des cibles où s’incruste l’angoisse la plus poignante et la plus nue, ils sont à la fois humbles et impressionnants, images et reflets de notre propre angoisse mise à nu sans complaisance et sans ménagement. Tant il est vrai que ce défilé de visages tragiques frappe juste, mettant d’emblée le doigt sur la plaie de la solitude et de la détresse derrière le masque, dardant sans pitié sur le spectateur l’hébétude impuissante de ses regards qui le poursuivent et reviennent l’obséder longtemps après qu’il les ait quittés.
Françoise Jaunin, «Jacqueline Oyex à la galerie Callejo et Monod à Genève», Tribune-Le Matin, 5 mars 1978
La gravure, c’est l’espace même du fantasme ; pour cette raison, elle correspond mieux que toute autre technique à l’inspiration de Jacqueline Oyex. Le champ de l’espace gravé donne le sentiment d’une profondeur mentale, susceptible d’être soudain peuplée d’apparitions, et désertée tout aussitôt pour retourner à son état lacunaire. C’est sur un tel fond de néant que s’inscrivent les figures de nos rêves, un fond que J. Oyex se plaît à activer par des constellations de taches, ou à enfiévrer par des rehauts d’aquatinte. Quant au dessin proprement dit, la morsure de l’acide affranchit le trait de son origine manuelle et inscrit les figures dans l’espace onirique en leur conférant un surcroît de présence hallucinant.
Michel Thévoz, «Jacqueline Oyex ou l’espace du fantasme» in Outside (dir. Fritz Billeter), Zurich, ABC Verlag, 1980
«Je ne sais pas faire les gens ressemblants», explique, comme pour s’excuser, Jacqueline Oyex, à genoux devant les gravures qu’elle étale avec précaution sur le tapis. Qui a bien pu lui mettre cette idée dans la tête ?
Ce visage de femme, là, dans le cadre en face de moi, n’est-il pas la réplique douloureusement exacte de l’artiste, avec ses yeux immenses, apeurés et intimidés, dans lesquels roulent des pupilles dilatées, avec ce front haut et large, cette lèvre gonflée, comme une plaie délicate ?
Je lui dis la ressemblance. «Vous croyez ?», me répond-elle, incrédule, de sa petite voix d’enfant sage.
Et cette petite vieille aperçue dans un tram, emmurée dans sa solitude, et qui vous regarde, tragique, n’est-elle pas ressemblante aussi ? Jacqueline Oyex, en dépit de toutes les formations qu’elle a suivies – et qui auraient pu la façonner – n’a pas cessé de peindre sa vérité intérieure, ses angoisses et ses bouillonnements profonds, sans concession à aucun style. Elle a portraituré, comme elle les sentait du dedans, tous ceux qui, comme elle, ne se sont pas laissé embrigader par la société et ses normes, qui ont refusé l’enfermement de la spontanéité, la neutralisation des fantasmes, l’étouffement de la révolte.
Nicole Métral :«Jacqueline Oyex : la tempête derrière un regard bleu»,
24 Heures, 6 mai 1980
Jacqueline Oyex ne montre pas volontiers sa peinture. Il faut donc profiter. Les tons sont sourds – J. Oyex fut l’élève de Poncet – et tout baigne dans une atmosphère nocturne. Coupes, assiettes et poireaux, crevettes et bouteilles, sont littéralement gravés dans une pâte riche et épaisse. Jacqueline Oyex sculpte davantage qu’elle ne peint. Dans cette nuit apparente, un brusque éclat fait vivre toute la toile : un reflet sur la bouteille, le rose d’une crevette, le blanc d’un poireau. Peinture énigmatique. On dirait une pâte en fusion qui recèle en elle mille jaillissements possibles, mille incandescences prêtes à faire surface.
Bernard-Paul Cruchet, «Jacqueline Oyex : une certaine solitude»,
Gazette de Lausanne, 22 mai 1981.
Une pointe de silex transperçant le mamelon du sein, le cou encerclé d’une sorte d’étau, «La Femme au chapeau à l’oignon» attend, impassible, le visage sillonné de larmes triangulaires. L’auteur de cette eau-forte, Jacqueline Oyex, est une artiste d’une telle sensibilité, d’une telle pudeur, qu’il semble difficile de parler d’elle sans violer un peu de son intimité […]. Pourquoi ces coiffes, ces regards figés ? Révèlent-ils la difficulté de communication que semble ressentir Jacqueline Oyex, bien peu armée pour affronter les rudesses de la vie ? Dans ce monde d’êtres porteurs d’une tragique absence, d’autres créatures pourtant surgissent sous le burin. Romantique, un peu fleur bleue même, l’artiste grave parfois des personnages ailés, sortis tout droit des romans à quatre sous, qui semblent s’envoler vers le septième ciel. Fleurs, oiseaux ou autres animaux les entourent, nature amie, seule présence aimable pour ces êtres irrémédiablement solitaires, placés les uns à côté des autres, le regard tourné vers l’infini. Ou, à l’inverse, si proches, happés par leur promiscuité, qu’ils ne font plus qu’un, les lèvres soudées en une seule et immense bouche.
Françoise Ducret :«Le monde extraordinaire de Jacqueline Oyex»,
Femina, Lausanne, 3 mars 1983
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